Ce jeudi 30 septembre, Journée Mondiale de la Neurodiversité, Béatrice Millêtre, docteur en psychologie spécialiste en hauts potentiels et le neurodiversité revient sur le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Son dernier ouvrage est L’enfant à haut potentiel au quotidien (Payot, poche 2024).
LE FIGARO. – HPI , TDAH , CST … On se perd parfois un peu au milieu de tous ces sigles. De quoi parle-t-on ? Comment définiriez-vous le TDAH ?
Béatrice MILLÊTRE. – Le TDAH (trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité) fait partie des troubles du développement neurologique, comme les troubles dys, ou TSA (troubles du spectre autistique). Tous ces troubles se caractérisent par des difficultés dans le développement des fonctions cérébrales. Ils sont innés. Nous les gardons toute notre vie. Même s’ils peuvent se manifester de manière plus ou moins prononcée selon les personnes.
Il existe deux critères diagnostiques très spécifiques du TDAH : le premier, l’inattention, le deuxième, l’hyperactivité ou l’impulsivité. Elle est forcément présente dès la petite enfance, voire à la naissance, même si elle est souvent détectée à l’école. Ce n’est pas parce qu’un enfant court partout qu’il souffre de TDAH. L’un ou l’autre des deux critères, toujours présents, est requis.
Le HPI, c’est encore autre chose. Ce n’est pas un trouble ou une pathologie. C’est une opération différente. La difficulté est que de nombreuses personnes HPI reçoivent un diagnostic de TDAH. Mais dans 25 à 50 % des cas, il s’agit d’un diagnostic erroné. De l’extérieur, l’HPI est souvent distrait, ou étourdi. Mais cela n’a aucun impact sur sa vie scolaire ou professionnelle, comme pour le TDAH.
Le Ritalin est très efficace (…) mais personne n’aime soigner les enfants.
Béatrice Millêtre
Quels sont les signes permettant de détecter le TDAH ?
Chez les enfants, on regardera surtout l’hyperactivité : sauter partout, ne pas rester assis en classe, à table, pendant les jeux, etc. Il faut aussi faire preuve d’inattention : ne pas faire attention aux détails, faire des fautes d’inattention, perdre ses affaires, avoir des difficultés. se concentrer, ne pas écouter quand on parle, etc.
Il existe dix symptômes répertoriés pour l’hyperactivité et neuf pour l’impulsivité. Pour diagnostiquer un enfant, il faut identifier au moins six symptômes d’hyperactivité et six d’impulsivité. De plus, ces symptômes doivent être présents dans plusieurs contextes différents, par exemple à l’école et à la maison. Et ils doivent avoir un impact sur la vie sociale ou professionnelle. Tout cela est assez précis.
Que savons-nous des causes du TDAH ?
Nous ne savons toujours pas grand-chose. Mais nous avons identifié deux causes principales. La première est la cause héréditaire. Si vous avez une personne TDAH dans votre famille, vous êtes également plus susceptible de souffrir de ce trouble. Deuxième famille de causes, les causes environnementales – au sens de l’environnement de la personne et non de développement durable bien sûr. Par exemple, l’exposition aux écrans peut aggraver les troubles. Ou encore l’éducation donnée à l’enfant : si on ne lui apprend jamais à rester assis sur une chaise, cela ne l’aidera pas à contrôler son trouble.
L’un des problèmes du TDAH concerne le traitement. L’effet du méthylphénidate, plus communément appelé Ritaline est controversé. Certains parlent de drogue. Qu’en penses-tu?
C’est la question qui tue. Tout d’abord, le Ritalin est bien un traitement. Cette molécule réduit efficacement les troubles. Ce qui fait peur, c’est que cela affecte le cerveau. Je ne suis pas médecin. Mais dans mon cabinet, je constate que c’est très efficace : les enfants traités n’ont plus de symptômes, ils apprennent mieux, ils retiennent mieux, etc. Mais ce qui fait polémique, c’est surtout que personne n’aime soigner les enfants.
Le TDAH ne disparaît jamais, nous le portons toute notre vie.
Béatrice Millêtre
D’autres troubles peuvent-ils être liés au TDAH ? Troubles dys ? TSA ?
En général, lorsque vous souffrez d’un trouble, il n’est pas rare que vous en ayez un deuxième. Nous parlons de comorbidité. Plus de 50 % des personnes souffrent soit d’autres troubles, soit d’autres pathologies. Et 60 % des personnes atteintes de TDAH souffrent également de dyslexie.
On estime que 5 à 6 % des jeunes souffrent de TDAH, contre 3 % des adultes dans le monde. Comment expliquer qu’ils soient plus nombreux chez les mineurs ?
Le TDAH ne disparaît jamais, nous le portons toute notre vie. Cependant, la plupart des symptômes d’hyperactivité disparaissent à l’âge adulte. On parle alors de troubles de l’attention sans hyperactivité. Pendant longtemps, nous nous sommes principalement intéressés au diagnostic chez l’enfant. Une fois devenues adultes, les personnes concernées disparaissaient plus ou moins des radars. Plus récemment, on s’est davantage intéressé aux adultes. Il était nécessaire de créer de nouveaux critères de diagnostic. Pour toutes ces raisons, les statistiques concernant les adultes ne sont pas nécessairement exactes. Ils sont probablement sous-évalués.
À cela s’ajoutent également les différences de critères de diagnostic et donc de chiffres selon les pays. Au Québec par exemple, 18 % de la population est considérée comme atteinte de TDAH. Soit ils sont bien en avance sur leurs critères, soit ils surdiagnostiquent. En France, les statistiques sur le nombre de TDAH se situent à peu près dans la moyenne de l’OMS.