Cinq ans après avoir fait sensation avec sa vision sombre et misérabiliste du Joker, Todd Phillips revient aux commandes pour raconter la suite de l’histoire et reprendre au passage le contrôle de sa créature.
Une suite musicale, dotée d’un certain panache et étonnamment introspective, qui risque néanmoins d’en frustrer plus d’un spectateur. Voici notre revue, garantie sans spoilers.
L’histoire du film
A quelques jours de son procès pour les crimes commis sous les traits du Joker, Arthur Fleck rencontre le grand amour et se retrouve entraîné dans une folie à deux.
Notre avis
Souvenez-vous… Sorti en octobre 2019, le premier film Joker avait été un véritable phénomène, prenant le relais d’un l’air du temps et la sensibilité contestataire de cette période (Gilets jaunes en France, mouvements en Bolivie, à Hong Kong, au Liban, etc.) pour émerger comme un succès surprise.
Au final, ce long métrage a généré plus d’un milliard de dollars au box-office mondial et remporté deux Oscars, dont celui du meilleur acteur pour Joaquin Phoenix. Moins glorieux, le personnage du Joker est devenu un emblème, notamment pour la communauté incel (pour célibat involontaireou des hommes célibataires profondément misogynes).
Une parentalité compliquée que Todd Phillips était sans doute loin d’imaginer pour sa relecture « à la Martin Scorsese » de l’ennemi juré de Batman. Ce qui explique pourquoi le réalisateur donne à cette suite attendue les atours d’une comédie musicale, sans doute pour mieux réécrire sa propre histoire et sacrifier les démons les plus envahissants.
Sur le papier, l’idée de la comédie musicale fait sens : Arthur Fleck trouve dans la danse et le chant une évasion de la réalité de la prison d’Arkham et du procès qui l’attend. À la manière de La La Terre, Joker : la folie à deux oscille ainsi entre rêve et réalité.
Mais contrairement au film de Damien Chazelle, les quelques chansons et scènes musicales semblent arriver telles quelles, trop détachées de l’histoire pour être réellement pertinentes. Phillips utilise finalement trop peu ce jeu entre le réel et le rêvé pour y apporter une quelconque valeur ajoutée.
Même chose pour Lady Gaga et son personnage Harley Quinn, dont l’idylle avec le Joker semble avant tout une diversion pour mieux permettre au réalisateur de faire l’autopsie du premier film. Loin d’être une romance ou une comédie musicale, ce « Joker 2 » est plutôt un film de procès avec le public au banc des accusés.
Constamment centrée sur l’opus 2019, cette suite s’amuse à démonter tout ce que le premier Joker créé, du message anarchique détourné vers la figure de l’antihéros malmené par la société, comme pour mieux répondre aux hordes qui érigent en martyr le personnage incarné par Phoenix. Joker : la folie à deux démembre son protagoniste de tout son squelette, dans un geste industriel suicidaire qui laisse stupéfait par son audace.
Mais si Phillips réussit enfin à se réapproprier sa créature en livrant un film sans doute plus anarchique que le premier, celui-ci est aussi très palpablement ennuyeux. Il est dommage qu’après avoir tout brûlé, le réalisateur ne trouve finalement aucune idée nouvelle et ne parvienne pas à enrichir son histoire ou son univers, révélant le même manque de substance que le film original.
Joker : la folie à deux sorties en salles le 2 octobre 2024.
- Regardez la bande annonce du film :