Espionnage russe au Québec : une résidence mystérieuse à Saint-Colomban

La Fédération de Russie possède un riche patrimoine totalisant plus de 16 millions de dollars en bâtiments dans la région de Montréal. Ces propriétés, toutes acquises à l’époque de la guerre froide, sont liées à des opérations d’espionnage et de contre-espionnage.
Notre Bureau d’enquête a découvert plusieurs informations intéressantes sur ces propriétés, dont certaines sont entourées de mystère. Le consulat n’a pas répondu à nos questions à ce sujet.
Un homme d’origine ukrainienne a légué une petite propriété du village de Saint-Colomban, dans les Laurentides, à l’URSS au début des années 1970. Et le gouvernement russe a insisté pour le conserver jusqu’à aujourd’hui, bien qu’il n’y ait eu pratiquement aucune activité là-bas depuis des années.
« Les seules personnes que j’ai vues, c’étaient il y a cinq ans, des ouvriers en rénovation, explique Guy Perron, qui habite la même rue depuis près de 10 ans.
France Bergevin, qui a vécu dans la maison voisine pendant environ 20 ans, dit que les gens semblaient y résider en permanence « il y a vingt ans ».
« Mais après, ça a toujours été des allers-retours le week-end, et beaucoup moins ces dernières années », précise-t-elle.
Le mystère entourant cette propriété alimente ainsi les rumeurs dans la petite ville des Laurentides. Certains parlent d’une ancienne résidence de pilotes d’avions soviétiques, d’autres d’un chalet de diplomates.
Même à la municipalité, on ne connaît pas l’historique complet de cette maison désignée comme « service gouvernemental » au rôle d’évaluation foncière.
LOUE PAR LE CONSUL
Notre bureau d’enquête a découvert que la propriété avait été louée dès 1968 par un membre du gouvernement soviétique.
Cette année-là, le consul général de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) à Montréal, Pavel Safonov, le loue au coût symbolique de 1 $ par année pendant dix ans.
Photo de courtoisie
Pavel Fedorovitch Safonov, consul général soviétique à Montréal de 1967 à 1971.
Le diplomate était arrivé à Montréal environ un an plus tôt et dirigeait le tout nouveau consulat soviétique à Montréal.
Lors de sa précédente mission à l’étranger, il était intervenu dans une histoire d’espionnage.
En 1963, alors qu’il est chargé d’affaires à l’ambassade soviétique en Australie, M. Safonov doit placer un de ses collègues, piégé pour espionnage par un agent double des services secrets australiens, sur un vol express vers Moscou.
UN HÉRITAGE À L’URSS
C’est en 1974 que l’URSS devient propriétaire de l’édifice. En 1970, Simeon Kindelvich, un Ukrainien de souche, a signé un testament spécial pour le léguer au gouvernement soviétique.
Nous ne savons pas pourquoi il ne l’a pas donné à sa famille qui vit ici. Son petit-fils n’a pas voulu nous accorder d’interview. Et son arrière-petit-fils n’était pas au courant de cette histoire.
M. Kindelvich est décédé en Ukraine en 1972, après y avoir vécu la plus grande partie de sa vie. Son épouse, Anna Shadko, travaillait pour l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) à Montréal.
L’URSS a failli perdre sa propriété en 1977, après avoir omis de payer ses impôts. Un certain René Labelle l’avait demandé aux enchères. Mais dix jours plus tard, un employé de la compagnie aérienne nationale, Aeroflot, est venu régler le compte de 215,77 dollars.
La maison actuelle n’a été construite qu’en 1991. Lors de notre visite la semaine dernière, il n’y avait pas âme qui vive.
Or, le drapeau de « l’Infomanistan » apposé sur le garage par l’animateur de l’émission Infoman, Jean-René Dufort, quelques semaines plus tôt, n’y était plus.
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