Et les ruines de Thébasa, la cité perdue, ont finalement émergé de Cappadoce | Nouvelles d’aujourd’hui

Nouvelles d’aujourd’hui Titres d’aujourd’hui
ARCHÉOLOGIE – Un diplomate polonais, passionné de fouilles, pense avoir retrouvé les traces d’une ancienne cité hellénistique. Située dans les montagnes du Taurus, elle avait été victime de guerres répétées entre Byzantins et Abbassides.
Avant l’avènement de la science archéologique, les ruines anonymes d’un paysage antique ont plus d’une fois attendu le passage d’un savant voyageur ou d’un savant poète pour hériter d’un nom. Hellénistes, latinistes et autres érudits ont parfois raison, comme Heinrich Schliemann reconnaissant les restes de Troie. D’autres fois, les bardes se laissaient emporter par leurs visions. Robert Rokicki, lui, est persuadé d’avoir bien touché une cité perdue. Conseiller diplomatique à l’ambassade de Pologne en Turquie, l’agent féru d’archéologie et d’histoire a annoncé fin janvier avoir trouvé des traces de Thébasa dans les profondeurs montagneuses de l’Anatolie. Une ancienne cité de l’ancienne Lycaonie dont l’identification donne du fil à retordre aux historiens depuis plusieurs décennies.
Lire aussiUn trésor monétaire romain du 1er siècle avant JC. AD de 651 pièces découvertes en Turquie
La ville, mentionnée par Pline l’Ancien dans son Histoire naturelle encyclopédique, n’était ni un haut lieu de chroniques anciennes, ni même un puissant poumon économique de la Cilicie. Selon le naturaliste romain du Ieuh siècle, Thébasa était un entre-deux, l’une des villes les plus importantes de la Lycaonie, une petite région située à l’extrémité orientale de l’Anatolie. Agglomération secondaire d’une petite province hellénistique, donc, devenue plus tard un éphémère siège épiscopal byzantin. En plus d’être une victime collatérale des guerres arabo-byzantines entre le VIIIet-IXet des siècles. Tombé en ruine, repeuplé un temps puis revenu une dernière fois, au Xet siècle, à la poussière de la Cappadoce, la ville a été oubliée au fil du temps.
Jusqu’à ce que Robert Rokicki, de passage dans la région, apprenne qu’un village turc, nommé Pınarkaya, dans l’actuelle province de Karaman, s’appelait autrefois Divaz. L’oreille du diplomate prend feu. Le nom n’évoque-t-il pas le village voisin de Divle, où les historiens ont tenté sans grande conviction de localiser l’antique Thébase ?
Une aiguille dans les montagnes du Taurus
L’archéologue amateur a scruté avec attention le paysage aride de cette vallée des monts Taurus. Et trouve assez tôt, au milieu des rochers qui forment la muraille naturelle du sud de la Turquie, des éléments susceptibles de confirmer son intuition. « J’ai remarqué qu’à l’orée du village, sur une colline, se dressaient les restes de fortificationsRobert Rokicki a déclaré à l’agence de presse polonaise PAP le 28 janvier.. Le site a conservé les traces d’un temple monumental incomparable à tout autre dans la région, ainsi que diverses structures de l’époque byzantine, telles que des citernes.
Le diplomate affirme également avoir identifié une nécropole. Après quelques prospections supplémentaires et des recherches supplémentaires, le conseiller a publié ses observations en janvier dans la revue scientifique turque Géphyra .
Lire aussiEn Anatolie, des archéologues français au chevet de la forteresse hittite de Porsuk
« L’identification du site antique de Divaz-Pınarkaya encouragera, je l’espère, les chercheurs à y mener des recherches archéologiques », note Robert Rokicki, en conclusion de son article. Les chercheurs, en effet, ont longtemps lutté pour localiser le site de Thebasa. Pas moins de huit sites ont été proposés au fil des générations, la piste la plus sérieusement arrêtée ayant été celle de Divle, à vingt kilomètres au nord de Pınarkaya. Le lieu pourrait correspondre aux bribes de détails historiques concernant Thébasa : il était situé sur une route principale traversant le Taurus depuis la ville côtière de Pompeiopolis, et était doté des vestiges de quelque monument passé qui pourrait être la forteresse byzantine détruite en 806 par le Calife Haroun al Rashid. Le nom même de Divle devait être dérivé de Thebasa, tout comme Sebastea était devenu Sivas actuel.
Hélas, aucun archéologue n’a jamais trouvé quoi que ce soit d’ancien à Divle. Et Robert Rokicki, qui s’y est rendu plusieurs fois en 2018 et 2019, n’y a rien trouvé non plus. Un vide absent du site de Divaz inspecté par le diplomate et où reposent, ignorés depuis plus d’un millénaire, les vestiges méconnus de l’antique Thébasa. La ville était donc en retrait des anciennes routes et témoignerait d’un réseau de communication plus dense et plus stratégique encore que prévu, dans le Taureau byzantin. « L’article en question apporte un tout nouveau chapitre à l’histoire du conflit entre les Byzantins et les Arabes », s’est réjoui à cet égard l’historien britannique émérite Stephen Mitchell pour l’agence de presse turque Anadolu. Spécialiste de l’Asie Mineure hellénistique, le chercheur souscrit à la découverte polonaise, résolution fortuite d’une vieille énigme historique. Et le renouveau, par la même occasion, d’une ancienne forme de prospection archéologique : la promenade savante.
Mises à jour de dernière minute Google Actualités
lefigaro – divertissement