Avant son décès, en octobre 2022, notre collaborateur Patrick Kéchichian nous a laissé ce portrait biographique de Jacques Réda.
Le poète Jacques Réda est décédé le 30 septembre, à l’âge de 95 ans, a confirmé à Monde éditions Gallimard. L’un de ses derniers livres – échanges écrits avec Alexandre Prieux – portait ce titre remarquablement explicite : Entretiens avec Monsieur Texte (éd. Fario, 2020). Cette référence à M. Teste, antihéros absolu inventé par Paul Valéry, « étrange cerveau où la philosophie a peu de crédit, où le langage est toujours mis en examen »n’est pas un simple jeu de mots. Avec le texte à l’appui, il est d’une pertinence éclatante. Fidèle à cette figure haute et invisible, Jacques Réda, à plus de 90 ans, parle, au milieu de savantes considérations sur la prosodie, l’écriture et le langage, d’immaturité, de son l’immaturité qui, dit-il, complique « les progrès de (son) existence “. En référence à Rimbaud, il avance cette fois l’idée que ce ” chaos ” Est « peut-être la situation naturelle des poètes ». De la conscience aiguë de ce désordre, en même temps que cette lutte pour alléger le chaos, Jacques Réda va, dans une œuvre diversifiée et foisonnante – plus d’une centaine de titres –, faire son bien. Et celui de ses lecteurs.
Né le 24 janvier 1929 à Lunéville, en Lorraine, dans une famille d’ascendance piémontaise et bourguignonne, Jacques Réda fait une partie de ses cours chez les Jésuites. Après son service militaire et le début de ses études de droit, il s’installe à Paris en 1953 et exerce diverses professions. Ses premières publications, d’abord en Cahiers du Sud et chez de petits éditeurs, datent de cette période, mais il ne conservera pas ces pages d’apprentissage dans les différentes rééditions de son ouvrage.
C’est aussi l’époque où, après les fanfares locales ou militaires, et le plain-chant entendu dans son collège religieux, il découvre le jazz, “la seule musique faite pour (son) coeur et (son) nerfs »qui aura une importance centrale dans sa vie. À partir de 1963, il devient un collaborateur régulier du mensuel Jazz Magazine. Au terme de sa carrière dans ce domaine, et après plusieurs volumes consacrés à cette musique – notamment L’improviste. Une lecture du jazz (Gallimard, 1990 et Folio, édition augmentée, 2010) – il a publié La chanson des possibilités. Écrire du jazz (éd. Fario, 2021). Difficile de ne pas évoquer le titre d’un des chapitres : « Une légion de hanches » ! Tout au long de sa vie, Réda y restera fidèle « le plaisir de bouger ».
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