L’Art et la manière de voler des tableaux, sur Arte

CRITIQUE – Des voleurs repentis qui ont cambriolé des musées racontent, sans fioritures, leurs crimes dans cette nouvelle série documentaire. Le premier épisode de Tableaux volés revient sur la disparition de deux Van Gogh à Amsterdam, en 2002. A ne pas manquer, ce jeudi 10 novembre à 22h55 sur Arte.
C’est connu, les voyous parlent trop. Ils finissent par donner les bonnes techniques pour voler un portfolio ou un chef-d’œuvre. Celles-ci, décidément inconscientes, se déversent devant la caméra d’Arte, dans une série documentaire intitulée Tableaux volés. Octave Durham et Henk Bieslijn n’ont pas le physique pour leur travail. De leur ex-emploi, plutôt. Les deux hommes sont sortis de prison en 2006. Les deux quadragénaires, interrogés séparément, racontent leur 7 décembre 2002. « J’en parle pour la première fois depuis dix-huit ans et je n’en reparlerai plus jamaisassure Henk, impassible. Je participe à ce documentaire parce que j’ai entendu beaucoup de mensonges, des choses embellies. » Arte leur donne la parole sans leur offrir, comme le fait Netflix avec toutes sortes d’agréfines, une plateforme.
Chute de six mètres
Le temps était frais au petit matin, mais aucun d’eux n’a senti la morsure du froid. Ils avaient la tête ailleurs, plus précisément dans un trou creusé à coups de masse dans l’enceinte du musée Van Gogh d’Amsterdam. Octave et Henk y exposent deux toiles du maître : Sortie de l’église de Nuenen et Vue de la mer sur Scheveningen. La police, alertée, accourt. Le temps est compté. Octave chute de six mètres en lâchant la corde. Le saint patron des voleurs le protège : il s’en relève indemne. Reste à éviter les dizaines de caméras de vidéosurveillance. Mission accomplie, les criminels enlèvent leurs masques de ski dans leur voiture. « Il y avait 70% de chances d’échouer »ils analysent aujourd’hui.
Change d’argent
L’important est d’être prudent. Pulvériser ses vêtements avec un répulsif anti-chien, enfiler plusieurs couches de vêtements pour ne pas laisser un soupçon d’ADN dans le verre brisé, s’enduire le visage de vaseline pour éviter la chute d’un cheveu. « Sauf que ça ne se passe jamais comme prévu », précise Octave, le plus vantard des deux, qui a perdu sa casquette dans la course sur le toit du musée. On imagine la relation particulière que le voleur, qui était à un cheveu d’en sortir, a pu nouer avec le couvre-chef…
Changement de décor. Une caméra filme par drone la beauté de Naples. Le documentaire dégage parfois d’agréables airs de thriller. Vincenza Marra sort une Marlboro Gold. Ce magistrat fait la guerre aux trafiquants de drogue. « Ces personnes sont difficiles à repérer. Ils jettent leurs téléphones tous les quinze jours. Heureusement, ils ont tous une maîtresse, qu’ils gardent un peu plus longtemps. C’est ce qui nous sauve », rit-elle, d’une voix rocailleuse qui ferait frissonner le réalisateur Paolo Sorrentino. Tout ce que vous avez à faire est d’espionner les amants pour trouver les escrocs.
projets de livres
La relation avec nos Van Gogh ? Il apparaît progressivement dans le documentaire. Après avoir pillé les toiles, les voleurs ont cherché à se débarrasser de leur marchandise encombrante. Un baron de la drogue italien s’est montré intéressé. Peut-être aimait-il le trait hors pair du Hollandais, mais les toiles servent surtout, dans ce milieu, d’arme de négociations au moment de leur arrestation.
Le sien est venu en 2021, cinq ans après la découverte des Van Gogh dans sa villa. Quant à Henk et Octave, le premier veut, aujourd’hui, tourner définitivement la page de cette affaire. Le second conseille les sociétés de sécurité, a des projets de livres et de séries. Mais il a complètement raccroché sa casquette de voyou…
lefigaro – divertissement