Le gouvernement français, visé par deux motions de censure, en pleine crise politique

Deux motions de censure ont été déposées vendredi contre le gouvernement français, plongé dans une crise politique après son passage en force sur la réforme des retraites, qui a amplifié la colère sociale et déclenché des échauffourées en plein Paris.
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Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées vendredi soir place de la Concorde, à quelques centaines de mètres de l’Assemblée nationale. Un brasier a été allumé par des manifestants, et l’atmosphère s’est tendue à la tombée de la nuit, des policiers chargeant dans la foule, selon des journalistes de l’AFP.
Plusieurs centaines de personnes ont affronté la police avec des bouteilles et des feux d’artifice, qui ont riposté avec des gaz lacrymogènes, tentant d’évacuer les lieux sous la pluie. Il y a eu 61 interpellations vers 21h30 (20h30 GMT), selon la préfecture de police.
A Lyon (centre-est) des manifestants ont fait irruption dans une mairie d’arrondissement et « ont tenté d’y mettre le feu », mais la police a rapidement éteint l’incendie et interpellé six personnes, selon la préfecture.
Toujours à Lyon, quelques centaines de jeunes ont incendié des poubelles, renversé des scooters, brisé des panneaux publicitaires, lancé des pétards et tagué des vitrines en scandant : « A qui est-ce ? Dont ? C’est à nous de jouer ! », selon un journaliste de l’AFP sur place. La police a répondu en utilisant des gaz lacrymogènes.
A Strasbourg (est), c’est sur la place Kléber que 1.600 manifestants se sont rassemblés. « Nous aussi passerons en force », ont scandé les manifestants. La préfecture fait état de « dégradations » dans le centre-ville, mais pas d’interpellations.
Un millier de personnes ont défilé dans le centre de Lille (nord), et un cortège de quelques centaines s’est dispersé sans heurts à Bordeaux (sud-ouest).
Les motions de censure devraient être examinées à l’Assemblée nationale lundi à partir de 16H00 (15H00 GMT), selon des sources parlementaires, sous réserve de validation juste avant la séance.
Les députés du groupe parlementaire indépendant centriste Liot ont annoncé à l’Assemblée le dépôt d’une motion de censure « transpartisane » du gouvernement, cosignée par des élus du Nupes (gauche radicale).
Le Rassemblement national (extrême droite) a également déposé vendredi une motion de censure, fustigeant une « réforme injuste et inutile ».
Ces démarches sont des réponses à la décision du président Emmanuel Macron de recourir jeudi à l’arme de l’article 49.3 de la Constitution, permettant l’adoption d’un texte sans vote à l’Assemblée, sauf motion de censure. renverser le gouvernement.
Ce choix sur cette réforme des retraites très impopulaire « est l’apogée d’un déni de démocratie inacceptable », affirme notamment la motion de Liot.
Cette motion de censure est celle qui pourrait potentiellement causer le plus de problèmes au gouvernement, en raison de son côté transpartisan.
Vendredi, le secrétaire général du syndicat réformiste CFDT, Laurent Berger, a appelé le président français à « retirer la réforme ».
Pour faire tomber le gouvernement, une motion de censure devra recueillir la majorité absolue à l’Assemblée, soit 287 voix. Cela nécessiterait notamment qu’une trentaine de députés de droite Les Républicains (sur 61) votent la motion du groupe Liot.
Le gouvernement français a choisi de relever l’âge de la retraite de 62 à 64 ans en réponse à la dégradation financière des fonds de pension et au vieillissement de la population.
La France est l’un des pays européens où l’âge légal de départ à la retraite est le plus bas, même si les systèmes de retraite ne sont pas tout à fait comparables.
Cette mesure du recul de l’âge légal de la retraite cristallise la colère. Les enquêtes d’opinion montrent que les Français y sont majoritairement hostiles, même si le nombre de manifestants dans les rues et de grévistes a stagné ou diminué au fil du temps.
Le recours au 49.3 est presque unanimement considéré comme un revers pour Emmanuel Macron, qui a misé une grande partie de son crédit politique sur cette réforme clé de son deuxième quinquennat.
L’intersyndicale a appelé à « des rassemblements syndicaux locaux ce week-end » et à une neuvième « grande journée de grèves et de manifestations le jeudi 23 mars ».
Conséquence épineuse des grèves reconductibles chez les éboueurs, la situation sanitaire à Paris s’aggrave: la barre des 10.000 tonnes de déchets non collectés a été atteinte vendredi, selon l’estimation de la mairie, au douzième jour de grève.
Les quatre syndicats représentatifs de la SNCF ont appelé vendredi à « maintenir la grève » entamée le 7 mars et « à agir massivement le 23 mars » pour s’opposer à la réforme.
La Direction générale de l’aviation civile a demandé lundi aux compagnies aériennes d’annuler 30% de leurs vols à Paris-Orly et 20% à Marseille-Provence (sud-est), en raison du mouvement de grève des contrôleurs aériens contre la réforme des retraites.
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