Divertissement

« Le masque de Scream fait autant référence au Cri de Munch qu’à la Psychose d’Hitchcock »


ENTRETIEN – Professeur de masques au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris, Christophe Patty décrypte les différents symboles attachés au tueur masqué qui sévit depuis 1997 dans la saga horrifique de Wes Craven.

Bien entendu, le sixième volet des terrifiantes aventures du tueur en série surnommé Visage de fantôme ne révolutionnera certainement pas la planète cinéma. Ou même le genre du cinéma d’horreur. Cri VI de Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett, qui sort cette semaine sur les écrans français, n’a d’autre ambition que de raviver l’intérêt d’un nouveau public d' »adolescents » avides de sensations fortes.

Pourtant, ce film d’horreur joue toujours sur la célébrité d’un masque blanc, évoquant le visage triste d’un fantôme. Ce visage étrange est devenu une icône de la pop culture mondiale depuis 1997. Professeur de masques (oui ça existe !) au prestigieux Conservatoire National d’Art Dramatique (CNSAD) Christophe Patty a accepté de décrypter les différents symboles attachés à cet accessoire de théâtre qui a entré dans l’imaginaire collectif du septième art.

LE FIGARO – Que vous inspire au premier regard le masque du tueur de la série Scream ?

Christophe PATTY – Sans être le moins au monde un spécialiste de ce genre de cinéma, très très loin de moi, il faut l’avouer, je constate tout de même après avoir fait ma petite enquête que le masque du tueur en série de joint s’inspire logiquement du célèbre tableau Le cri par Edvard Munch. Vous pouvez également voir des réminiscences de la célèbre couverture de l’album Le mur par Pink Floyd. En développant ce type de masque, les créateurs de Crier ont créé un personnage extraordinaire. Ce faciès crée le mystère, la peur. Elle éveille dans l’esprit des spectateurs une part d’imaginaire liée à la terreur ou à la frayeur. Car ce masque n’a qu’une expression. Ce qui pour moi restreint le jeu d’un acteur et oriente ses choix.

Le cri par Edvard Munch et la pochette de l’album Le mur PinkFloyd. RD

Que signifie profondément ce masque dans l’imaginaire collectif ?

C’est avant tout un cri. Choix d’un cri de folie ou de détresse. En réalité, ce que je comprends, c’est que celui qui porte ce masque dans le film reflète ce que la proie du tueur va ressentir dans quelques instants. Le « Ghostface » porte un « masque miroir » qui présente à l’avance aux futures victimes une image d’elles-mêmes au moment de leur mort. Depuis vingt-six ans, cet objet a marqué de son empreinte des générations de cinéphiles et d’amateurs de cinéma d’horreur. Le personnage du tueur masqué qui hurle avec son couteau fait également référence à la fameuse scène de la douche dans le film Psychose d’Alfred Hitchcock. On retrouve également ce thème dans un autre film fondateur du cinéma d’horreur, le Voyeur par Michaël Powell…

Pourriez-vous enseigner avec le masque de Crier ?

Je ne travaille pas avec ce type d’accessoire n’affichant qu’une seule expression. Dans mes cours, je donne plutôt des masques de personnages qui offrent un plus large éventail de jeu, et qui ont des lignes de force essentielles. Les élèves les portent pour pouvoir essayer de créer une nouvelle entité, différente d’eux. Je n’essaie pas d’imposer une émotion préconçue. Je ne dis jamais : « Ayez peur ! » ou « Soyez heureux! » La fonction d’un masque est de libérer les acteurs. Il offre une certaine liberté à l’acteur. La formule est connue : « Plus on se cache, plus on montre ! » C’est le paradoxe du masque. Il peut désinhiber. Alors que le masque de Crier Dès le départ, un choix orienté est fait. Il n’a qu’un seul objectif. Effrayer. Ce n’est que pour ça.

Le tueur au couteau Psychose d’Alfred Hitchcock et le « Ghostface » de Cri VI. capture d’écran/Paramount

A votre avis, pourquoi un tel masque est-il si efficace au cinéma ?

Ce type de masque joue sur le fait que les spectateurs sont « codés » avec le cinéma de genre. La force des masques dans ce genre de films d’horreur est de montrer aux spectateurs un visage inexpressif et pâle. Il est donc impossible de déchiffrer ce que le tueur ressent réellement derrière. C’est le genre d’artifice qui peut accentuer le détachement des tueurs face à la violence de leurs actes. Cet objet est un symbole. Dès qu’on le voit à l’écran, on sait que la mort est là. Le compte à rebours commence. Dans mes cours, mes élèves ne me parlent pas de Criermais plus du film Le masque avec Jim Carey. C’est logique, le film met en scène un mec chic trop timide pour séduire sa dulcinée. Mais dès qu’il porte un masque, le héros devient un être totalement décomplexé doublé d’un séducteur hors pair.

lefigaro – divertissement

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