Le sport tricolore plus performant qu’on ne le dit !

OBSERVATOIRE DU SPORT ENTREPRISE – Souvent critiquée pour la faiblesse de son soutien, la France se classe pourtant au 2e rang mondial selon le classement WRCES.
Titulaire d’un Master de la Sorbonne, spécialisé dans les questions relatives à l’Amérique latine, Mathieu Sauvajot a d’abord écrit des articles traitant de la géopolitique et de l’économie de ce continent, avant de se tourner vers le domaine du sport. Il est aujourd’hui rédacteur à l’Observatoire du Sport Business.
Souvent critiquée pour la faiblesse de son soutien politique, économique et même populaire, parfois perçue comme médiocre dans son système éducatif, la France se classe pourtant au 2e rang mondial selon le classement WRCES, mais si le sport de haut niveau parvient régulièrement à briller, l’enjeu sont ailleurs, à savoir du côté de la santé publique.
La fausse référence olympique
Si les Français sont généralement fiers de faire partie d’une nation reconnue pour son histoire, son patrimoine et sa gastronomie, il n’en est pas de même quand vient le temps de soutenir nos sportifs. Avouons-le, qui d’entre nous n’a jamais souri devant une de ses défaites, affirmant l’air aussi peu surpris que satisfait, que décidément, la France n’est pas un pays sportif. Pourtant, malgré cette tendance à l’autoflagellation bien ancrée dans les mœurs, la France brille à l’échelle mondiale grâce au sport de haut niveau, si l’on prend soin d’analyser les performances de nos champions au-delà des podiums.
Au-delà d’un état d’esprit quelque peu défaitiste, il est vrai que le peu de médailles remportées lors des JO (10ème place aux JO de Tokyo) n’arrange pas les choses, ce classement faisant de facto figure d’autorité dans l’imaginaire collectif et pourtant, il n’est pas exempt de défauts. On pourrait tout d’abord critiquer l’absence de certains sports phares comme la course automobile, le rugby à XV ou plus récemment le MMA, pour ne citer qu’eux, ainsi que la valeur accordée aux médailles. Il est sans doute légitime que la qualité l’emporte sur la quantité, mais qu’en est-il des nations cumulant les médailles d’argent et de bronze, situées derrière celles remportant en tout et pour tout une seule médaille d’or ?
De plus, leur nombre anormalement élevé dans certaines disciplines peu intéressantes pour le grand public, au détriment d’autres tellement plus populaires, souligne combien l’universalité des sports pratiqués est mise de côté au moment de distribuer les récompenses. Alors que le basket, sport pratiqué dans plus de 206 pays, n’offre que deux médailles d’or, une pour l’équipe masculine et une autre pour l’équipe féminine, la voile, sport présent dans 115 pays et dont la pratique est à moins démocratisée, en génère une dizaine. Même constat pour le football, où la finale de la Coupe du monde de football a réuni 1,5 milliard de téléspectateurs, le Comité olympique n’ayant, une fois de plus, que deux médailles en jeu. Le niveau des athlètes dans certaines disciplines peut également faire débat, la rigidité de la réglementation ayant par exemple empêché les boxeurs professionnels de participer avant l’édition 2016.
Heureusement, d’autres outils existent pour mesurer la performance des pays dans le monde du sport de haut niveau. S’appuyant sur des travaux scientifiques internationalement reconnus, le Professeur Nadim Nassif a développé une plateforme d’évaluation des politiques sportives World Sport Ranking : « Le WRCES est un indice précis qui donne une évaluation globale des nations en matière de sport d’élite. En croisant cet outil avec le taux d’obésité, la prévalence de la sous-alimentation (PoU) et le pouvoir économique (PIB), il est désormais possible d’analyser la performance des équipements sportifs dans chaque Etat.
L’exception française ?
Désormais dauphine des imbattables Etats-Unis, la France peut certes être fière de son rang ainsi que des progrès réalisés ces dernières années, mais il est d’autant plus intéressant d’en comprendre les raisons.
Classement mondial des nations, 115 disciplines étudiées. WRCES
Pluralité est sans doute le maître mot ici, à commencer par celui des disciplines dans lesquelles notre pays brille. Vice-championne du monde de football en 2022, favorite pour l’union mondiale de rugby prévue à l’automne prochain et bien plus encore, la France ne gagne pas toujours, mais est rarement absente des podiums. Ce ne sont pas nos athlètes qui diront le contraire, car les références mondiales ne manquent pas dans leurs disciplines respectives, de Kylian Mbappé à Caroline Garcia en passant par Fabio Quartararo, sans oublier non plus Ciryl Gane, challenger malheureux à l’UFC 285.
Bien sûr, le fait que le sport tricolore ait rarement été aussi haut n’est pas dû au hasard. Pour expliquer cela, certains vanteront la qualité et la variété des infrastructures présentes sur l’ensemble du territoire, d’autres diront, à juste titre, que la topographie très particulière de la France nous permet d’être aussi compétitif en été qu’en hiver. l’hiver, aussi bien dans les sports nautiques que terrestres. Quant à nos hommes politiques, parfois trop optimistes peut-être, ils tentent de croire à l’importance de la place du sport dans notre société éclatée. Budget de l’Etat plus faible, discipline trop peu prise en compte par notre système éducatif, les acteurs sportifs n’ont eu de cesse d’avertir à quelques mois des JO d’une prise de conscience nécessaire de nos dirigeants. Rappelons-nous la passe d’armes entre Evan Fournier et Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l’Education et des Sports.
Néanmoins, un élément trop souvent sous-estimé (car politiquement sensible) est l’importance de la mixité démographique dont la France a bénéficié pendant de nombreuses décennies. Chaque discipline a ses propres qualités et son profil idéal. Le basket-ball et la course à pied ont tendance à favoriser les gabarits athlétiques, le badminton ou le ping-pong les athlètes les plus vifs par nature, et la natation ou la lutte les gabarits les plus solides. Contrairement aux idées reçues, le fait que non, nous ne soyons pas tous égaux génétiquement et morphologiquement, et c’est ce qui contribue aussi à la beauté du sport, sa capacité à permettre à chacun de briller dans certaines disciplines plutôt que dans d’autres, en fonction de ses propres qualités . Ainsi, pour pouvoir produire des performances dans tous les domaines, un pays doit avoir des profils aussi variés que possible.
Les États-Unis (et ses 335 millions d’habitants) l’ont compris depuis longtemps, la diversité ethnique présente dans leurs sports favoris que sont le basket, le baseball ou le hockey sur glace en étant le meilleur exemple. , même s’il faut avouer que la France n’a ni le budget ni une population suffisamment nombreuse pour remettre en cause son leadership dans le monde du sport. Et pourtant la France semble être la seule nation capable de défier les Américains dans autant de sports. Au-delà de sa grande diversité sportive, la France bénéficie également d’un très large éventail géographique (montagnes, mers et océans).
Le pari de 2024
Paris rêvait d’accueillir les Jeux olympiques en 2012, mais c’est finalement l’éternel rival de la Grande-Bretagne qui a remporté la bataille à l’époque. Une décennie plus tard, la Ville Lumière s’apprête enfin à les recevoir pour la troisième fois de son histoire, mais paradoxalement, la France risque de rendre davantage hommage à Pierre de Coubertin en y participant simplement, plutôt que d’essayer d’aller toujours plus vite, plus haut, plus fort dans afin d’accumuler des médailles. Après l’échec des JO de Tokyo, difficile de croire à l’objectif des 80 médailles ?
Rassurez-vous cependant, car le vrai défi ne sera pas forcément de viser le podium des Nations, et encore moins de rivaliser avec des athlètes américains ou chinois pour ne citer qu’eux, mais de réussir à déclencher une culture de la pratique sportive chez des le public général. La France a reconnu des sportifs de haut niveau, mais trop de Français préfèrent les observer plutôt que d’essayer de les imiter – tout compte fait bien sûr – et pratiquent une activité physique régulière.
Une étude récente de l’OCDE tire la sonnette d’alarme, les Européens sont plus sédentaires que jamais au point que le nombre de cas de personnes souffrant de maladies liées à une activité physique insuffisante ne cesse d’augmenter. La France a aussi décroché la médaille de bronze du montant annuel des dépenses publiques de santé en 2022, soit un peu plus d’un milliard d’euros, et la situation ne va évidemment pas s’améliorer d’elle-même car près d’un Français sur deux est en surpoids.
Pourtant, c’est le moment ou jamais pour les ministères de la Santé et des Sports de tenter d’y remédier. Alors que les Jeux Olympiques tendent à motiver systématiquement les Français à s’inscrire davantage dans des clubs sportifs, notamment ceux liés aux disciplines où l’on brille, le fait de les organiser chez soi devrait leur donner une bonne excuse supplémentaire pour franchir le pas, au moins pour l’année 2024.
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