Les agriculteurs catalans invoquent Saint-Gaudérique pour faire pleuvoir

Catastrophisés par la sécheresse hivernale, des agriculteurs catalans ont ressorti les reliques de leur saint patron samedi à Perpignan et renoué avec une tradition abandonnée depuis plus d’un siècle, dans l’espoir de faire tomber la pluie dans les Pyrénées-Orientales. «A un moment donné la situation est tellement critique qu’on sort tous les saints possibles, on fait appel à tout le monde», résume sur un ton ironique Julien Bousquet, 29 ans, maraîcher et arboriste, participant au cortège.
Sous le ciel orageux, des centaines de personnes (clergé, confréries religieuses, agriculteurs et curieux) ont défilé dans les rues du vieux Perpignan, portant des reliques du saint patron des agriculteurs catalans, Saint Gaudérique. Le cortège catholique s’est terminé sur les rives de la Têt, l’une des principales rivières des Pyrénées-Orientales. Quatre paysans marchaient dans l’eau peu profonde, portant sur leurs épaules un buste reliquaire de Saint-Gaudérique, pour demander son intercession.
vieux rituel
«Ce rituel n’avait plus été pratiqué depuis près de 150 ans», explique à l’AFP l’archiprêtre de la cathédrale de Perpignan, Benoît de Roeck, qui a présidé la cérémonie organisée à la demande d’un vigneron de la région. Saint Gaudérique (Galdéric en catalan) un paysan de l’Aude qui vécut au IXe siècle est l’un des saints catalans les plus célèbres et les plus célébrés et fut «traditionnellement invoqué pour les problèmes d’eau« , précise-t-il.
Saint Gaudérique. RAYMOND ROIG /AFP
Entre le XIe et le XIXe siècle, 800 processions en son honneur ont eu lieu dans la région, abonde Jean-Luc Antonizazzi, historien spécialiste de l’art baroque catalan, qui précise : «il était invoqué par manque d’eau ou trop d’eau, mais aussi pour la peste« . Si le rituelarrêté dans les années 1850-1880 avec l’avènement de l’ère industrielle« , le Saint «n’est pas tombé dans l’oubli», poursuit-il en soulignant que sa fête est toujours célébrée le 16 octobre et que des enfants portent encore aujourd’hui le nom de Galdéric.
Désespoir
Pourtant, ce retour du dévouement en 2023 coïncide avec une situation de crise qualifiée d’inédite par les agriculteurs. «Nous nous accrochons à tout maintenant» souffle André Trives, 40 ans, maraîcher en agroécologie, qui décrit une situation »catastrophique« .
«On sait que s’il n’y a pas de recharges d’ici les mois d’avril-mai (…) le 15 août, il n’y aura plus d’eau», redoute-t-il, affirmant qu’il n’a pas «attendu Saint Gauderique pour prier (pour) l’eau« . «Météo-France annonce de la pluie ce week-end (…) mais là il faudrait des semaines entières d’eau pour que l’eau pénètre dans le sol et recharge les nappes phréatiques», ajoute Julien Bousquet, observant la procession religieuse d’en haut.
Saint Gaudérique. RAYMOND ROIG /AFP
Depuis octobre, le département des Pyrénées-Orientales, l’un des plus touchés de France par la sécheresse, n’a enregistré que 159,4 mm de précipitations, soit un déficit de 60,8 % de précipitations par rapport aux précipitations saisonnières normales, selon les données de Météo-France. «Tout est pratiquement à sec (…) c’est très inquiétant, mais nous sommes dans l’espoir et l’espoir. Nous devons prier, nous aurons de l’eau», veut persuader Damien De Besombes, 50 ans, vigneron qui s’était porté volontaire pour porter les reliques.
lefigaro -fp