Les mystères de la Vénus de Condate, découverte au fond d’une ancienne carrière à Rennes

La Vénus anadyomène gallo-romaine découverte sur le chantier de Rennes. Emmanuelle Collado, Inrap
ARCHÉOLOGIE – La statuette a été exhumée lors d’une opération menée par l’Inrap aux abords de l’ancienne cité gallo-romaine. C’était au fond d’un site d’extraction de schiste.
La déesse émergeant des eaux était cachée au fond d’une carrière de pierres. Depuis janvier, à quelques dizaines de mètres seulement de l’ancienne cité gallo-romaine de Condate, qui deviendra Rennes, une équipe de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) a mis au jour une ancienne carrière de schiste. Cette opération réalisée rue d’Antrain permet de documenter le site dont les roches ont servi à construire la ville, au Ieuh siècle de notre ère. Pourtant, un éclat érotique inattendu s’est glissé dans ce site dédié à l’industrie antique et à l’archéologie des gestes ouvriers. Une apparition pour le moins surprenante attendait les archéologues au fond du bassin du site : Vénus, dans sa forme la plus simple.
Merveilleusement conservée, la petite figurine en terre cuite représente la déesse de la beauté et de l’amour nue, un vêtement ou une serviette dans la main gauche, la main droite perdue dans une tresse de ses cheveux. Très recherchée, sa coiffure haute et extravagante semble être nouée derrière la tête avec un ruban. Représentation anadyomène de la déesse, c’est-à-dire sortant des eaux, la Vénus de Condate se heurte aux autres vestiges et fragments de la fouille. « Il se trouvait sur la couche la plus ancienne du site, et semble avoir été intentionnellement déposé au fond de la carrière, déclare Nicolas Ménez, responsable scientifique de l’opération de fouille menée par l’Inrap. C’est très surprenant. S’est-il retrouvé à cet endroit pendant l’exploitation du site, ou après ? On ne sait pas encore ».
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Haute d’une dizaine de centimètres, la Vénus de Condate découverte en février appartiendrait à une lararia, un petit autel domestique où une famille vénérait les lares, divinités du foyer. Il a été façonné dans une terre blanche de Bourgogne, une argile particulière et bien documentée. Tous les ingrédients d’un objet somme toute assez banal, du moins hormis son charme singulier et son contexte de découverte intrigant. « Nous retrouvons régulièrement ce genre de statuettes lors de nos opérations de fouilles, mais elles sont rarement aussi bien conservées, et aussi particulières que celle-ci »explique Nicolas Ménez.
Vue aérienne du chantier de fouilles de la rue d’Antrain. Débutée en janvier, l’opération confiée à l’Inrap devrait s’achever fin mars. Myphotoagency, Thibault Beguet
Selon les premières estimations, la Vénus de Condate serait datée de la fin du Ieuh siècle ou le début du IIe siècle ; une datation éclairée notamment par la riche coiffure de la déesse, un raffinement très en vogue à l’époque, comme en témoignent des monnaies, des sculptures ou encore quelques fresques antiques. La figurine sera nettoyée, examinée et mise en série avec d’autres objets du même genre après la fin du chantier, lors des opérations post-excavation. « La phase d’étude du mobilier nous dira si la statuette était polychrome par exemple. C’est pourquoi nous ne l’avons pas encore nettoyé, nous avons voulu préserver toute trace de pigmentsnote Nicolas Ménez. Nous ne sommes encore qu’au début de l’histoire de cette Vénus !
Sauvé du schiste
En attendant, les archéologues de l’Inrap ont encore jusqu’à fin mars pour achever leur fouille de l’ancienne carrière, fouillée à Rennes, en plein quartier Fougères-Sévigné. Les Romains y exploitaient le schiste, sur près de deux mètres, entre le Ieuh et le IIe siècle de notre ère. Pierre tendre et friable, contrairement au calcaire ou, mieux encore, au marbre, le schiste n’était pas utilisé pour fournir des blocs aux monuments de la ville, mais plutôt pour poser les fondations de divers édifices et servir de mortier. Le matériau a également été utilisé dans la construction des rues de Condate.
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Prescrit sur une surface de 3250 m2, le creusement préventif a été organisé en amont d’un projet d’aménagement mené par Bouygues Immobilier. L’ancienne carrière romaine s’étendait sur une zone encore plus grande, disent les chercheurs, qui suggèrent que ce site d’extraction se poursuit probablement sous l’école primaire voisine. Élément important de l’économie originelle de Condate, la carrière abandonnée se transforme notamment en dépotoir, du fait de sa situation en périphérie de la ville et de sa forme en bassin.
Cette ancienne décharge a livré de nombreux vestiges des poubelles Condate, dont plusieurs « des dizaines de kilos de fragments de vaisselle en céramique ». Outre la Vénus anadyomène, les archéologues ont également mis au jour des fragments d’une statuette de déesse mère et divers petits objets, tels que des éclats de verre, des pièces de monnaie, des jetons. Ces ensembles se trouvaient quelques couches au-dessus du fond de la carrière, et donc postérieurs à l’abandon de cet ancien site proto-industriel.
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