les syndicats se durcissent, le gouvernement tient bon

Alors que la mobilisation a égalé le record du 31 janvier, l’exécutif compte sur l’accélération des débats parlementaires.
Péage gratuit à Saint-Avold (Moselle), coupure d’électricité « ciblée » à Périgueux (Dordogne), blocage d’un dépôt de bus à Saint-Denis… Comme annoncé, quelque 360 actions ont été enregistrées par des sources policières lors de la journée de mobilisation ce Mardi 7 mars. Dans tout le pays, employés, patrons, commerçants, indépendants… tous ont été appelés à faire grève, même pour une heure ou deux. Le but: « Mettre la France à l’arrêt », comme l’intersyndicale l’avait annoncé quelques semaines plus tôt. La première étape d’un durcissement du contentieux, assumé par les représentants des salariés.
« Dès le départ, nous avons prévenu le gouvernement que s’il ne suspendait pas sa réforme, nous monterions d’un cran l’intensité », justifie Cyril Chabanier, président de la CFTC. Cependant, les cinq journées d’action précédentes, entre mi-janvier et mi-février, n’ont pas permis d’obtenir des concessions suffisantes, selon les syndicats, qui réclament depuis le début le retrait de l’article 7 reportant l’âge légal de 62 à 64 ans.
Ce 7 mars est donc la première scène de l’acte II dans la lutte contre la réforme des retraites. Une journée qui, à elle seule, conditionnera la suite à donner au mouvement. Ces derniers jours, le seul mot d’ordre était de faire mieux que le 31 janvier, point culminant de la contestation. Alors que le renseignement territorial prévoyait 1,4 million de manifestants la veille, contre 1,27 million cinq semaines plus tôt, il y avait, de source policière, 1,28 million de manifestants mardi, dont 81.000 à Paris. Une source policière a noté « quelques blocages et actions » Le mardi matin devant les sites industriels et les dépôts, « mais sans une forte mobilisation ». Quelques incidents provoqués par l’ultra-gauche sont à déplorer à Paris, où 43 personnes ont été interpellées, à Marseille et Nantes, mais restent sporadiques.
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« Deux semaines cruciales »
« Si on dit dès le départ qu’on va durcir le mouvement et qu’on ne le fait pas, on perd notre crédibilité.» a admis toutefois Cyril Chabanier, bien conscient que les prochaines semaines seront décisives. Plusieurs dirigeants syndicaux estiment que le gouvernement cherche à gagner du temps, en accélérant le processus parlementaire et en espérant que le tumulte diminuera une fois la loi votée. « Nous avons deux semaines cruciales devant nous, nous n’allons clairement pas appeler à un ralentissement », indique Yvan Ricordeau, secrétaire national CFDT. Mardi soir, l’intersyndicale, qui demande à être reçue par Emmanuel Macron, a annoncé deux nouvelles journées de manifestations, dont la première aura lieu ce samedi 11 mars. La seconde aura lieu le jour de la réunion de la commission paritaire qui réunit sénateurs et députés, éventuellement le mercredi 15 mars.
Quel que soit le slogan, plusieurs fédérations ont déjà décidé de jouer leur propre rôle. C’est le cas des cheminots, qui appellent à une grève reconductible. Le secrétaire général de l’Unsa-ferroviaire, Didier Mathis, s’est fixé un objectif : « Nous devons faire une grève renouvelable d’au moins dix jours et bloquer Paris pendant au moins deux week-ends. » Reste à savoir si ces bastions seront suivis. Pour le moment, la journée du 8 mars s’annonce difficile. La RATP prévoit mercredi « Un trafic en amélioration par rapport à la journée du 7 mars, mais qui reste très perturbé ». Ainsi, sur la ligne A du RER, il y aura 2 trains sur 3, contre seulement 1 sur 2 aux heures de pointe et 1 sur 3 aux heures creuses le mardi. Sur les lignes 9 et 10, 1 métro sur 2 circulera au lieu de 1 sur 3 mardi. En revanche, les syndicats RATP et SNCF ne prévoient pas encore le week-end.
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Faire reculer le gouvernement
Les intersyndicales des deux groupes publics ont prévu de se réunir séparément jeudi pour examiner la suite du mouvement. Avec une certitude : les cheminots et les agents du métro parisien ne poursuivront le mouvement que s’ils ne sont pas seuls à arrêter le travail. Ils gardent un souvenir amer de l’hiver 2019-2020, durant lequel ils ont dû endurer une grève de plusieurs semaines contre la réforme des retraites, sans que les salariés des autres secteurs n’entrent dans la danse.
Peut-être à cause de l’attentisme, le nombre de grévistes n’a pas explosé chez les énergéticiens, qui avaient pourtant annoncé vouloir « perturber l’économie », jeudi dernier. Chez EDF, on note 41,5 % de participation à la mi-journée, contre 44,5 % le 19 janvier et 40,3 % le 31 janvier. Tendance similaire chez Engie qui a relevé 39,4 % de grévistes à la mi-journée, contre 40 % le 19 janvier et 34,3 % le 31 janvier.
Officiellement, toutes ces initiatives n’ont qu’un seul but : faire reculer le gouvernement. Un vœu pieux, selon la détermination affichée par l’exécutif, où l’on assure qu’il n’est pas question de céder sur les grands principes du texte. Celles-ci peuvent se résumer en quatre points, martelés par les ministres : rétablir l’équilibre financier d’ici 2030 pour assurer la pérennité du système par répartition ; porter l’âge légal de la retraite à 64 ans ; augmenter la valeur des petites pensions; et mieux prendre en compte les carrières longues, agitées ou difficiles. Autant d’éléments qui devraient franchir sans mal la haie de l’examen au Sénat, où la gauche ne désespère pourtant pas d’obtenir une victoire. Mais elle sait que la barre est haute.
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Manœuvres à l’intérieur des syndicats
Dans la rue mardi, depuis un camion floqué aux couleurs communistes, l’ancien secrétaire national du PCF et sénateur de Paris Pierre Laurent a dénoncé « la droite sénatoriale et le gouvernement » OMS « marcher main dans la main ». Non loin de là, lors d’une déclaration commune aux élus du Nupes, députés et sénateurs, le patron du PS, Olivier Faure, a lancé un appel symbolique « aux députés gaullistes, s’il en reste », pour quand le texte reviendra à l’Assemblée, dans la foulée de la commission paritaire mixte qui réunira députés et sénateurs la semaine prochaine.
En attendant, depuis Marseille où il suit l’essentiel des mobilisations depuis janvier, Jean-Luc Mélenchon a demandé l’organisation d’une « référendum » ou un « dissolution » de l’Assemblée pour éviter de bloquer le pays. Mais, derrière le bras de fer politique, il y a aussi des manœuvres à l’intérieur des syndicats, dont certaines ont des visées bien différentes. C’est notamment le cas à la CGT, qui tient son congrès fin mars. Le secrétaire général, Philippe Martinez, a annoncé il y a longtemps qu’il démissionnerait et souhaiterait voir la secrétaire générale de la fédération de l’éducation, de la recherche et de la culture, Marie Buisson, lui succéder.
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Mais la fin du règne aiguise les appétits, et plusieurs chefs de fédération convoitent la place. Beaucoup voient dans cette réforme des retraites une rampe de lancement pour les prochaines élections et jouent la carte de l’affrontement. «Lors des discussions avec le gouvernement l’automne dernier, ils ont été avertis que cette période était un non-sens. Ils ne voulaient pas savoir. » explique un syndicaliste sous couvert d’anonymat.
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