Pendant longtemps, le cinéma l’a vue comme une enfant-femme. Il faut dire que Ludivine Sagnier a commencé jeune, très jeune même. À l’âge de 6 ans, elle commence à jouer et à 9 ans, fait sa première apparition au cinéma. Mais c’est François Ozon qui l’a révélé, au début des années 2000, dans « Gouttes d’eau sur des pierres brûlantes » et, surtout, « 8 femmes » et « Piscine ». C’est aussi lui qui, aujourd’hui, la réinvente en mère aigrie et ingrate dans “Quand l’automne arrive”, en salles à partir du 2 octobre 2024, qui marque leurs retrouvailles.
Vous n’avez plus tourné sous la direction de François Ozon depuis vingt ans. Comment as-tu changé ?
Quand je l’ai rencontré, j’avais 19 ans. J’étais une jeune femme, voire une jeune fille. Il m’a proposé des rôles très différents qui m’ont transformé et conditionné ma carrière de manière plutôt favorable. Vingt ans se sont écoulés depuis, mais lorsque je me suis retrouvé sur le tournage de « When Autumn Comes », j’ai eu l’impression que nous nous étions quittés la veille. Notre complicité est toujours intacte, dans la vie comme sur un plateau de cinéma. Nous nous connaissons par cœur.
Et a-t-il évolué ?
Je ne pense pas que ce soit si différent. Peut-être un peu moins inquiet car il a repris confiance en lui. Cela ne l’empêche pas d’être toujours le même sur le plateau : impatient, joueur, à l’écoute des acteurs. De tous les réalisateurs que j’ai rencontrés, il est le seul à être également cadreur. C’est donc lui qui vient reprendre notre souffle, nos hésitations, notre regard. C’est l’acteur le plus proche que je connaisse jamais.
Vous avez dit : “A 30 ans, c’est plus amusant d’être actrice qu’à 20 ans.” Et à 40 ans, c’est comment ?
(Rire.) C’est encore mieux. Parce que j’ai construit beaucoup de choses, j’ai eu trois enfants, j’ai accumulé de l’expérience de vie, beaucoup d’émotions, j’ai mûri et surtout vieilli de la bonne manière. Les gens me disent toujours que j’ai l’air plus jeune que mon âge. Mais cette caractéristique est à double tranchant. Entre 30 et 40 ans, c’était un peu compliqué, on ne me donnait pas de crédit pour jouer une femme de 35 ans, parce que j’avais encore ce statut d’enfant femme qui me collait. Aujourd’hui, alors que j’ai 40 ans (ndlr : 45), ma maturité se voit enfin sur mon visage.
« When Autumn Comes » parle beaucoup du poids du passé. Comment ne pas se laisser parasiter ?
J’ai fait cinq ans d’analyse, ça m’a appris à prendre du recul et à déconstruire. Cela m’a beaucoup aidé, je le recommande. Valérie, mon personnage dans le film, est incapable d’être heureuse, de pardonner à sa mère et de donner de l’amour à son enfant. Il dit que sans pardon, il n’y a pas d’avenir.
Qu’avez-vous appris en observant Hélène Vincent et Josiane Balasko, vos partenaires, plus expérimentées que vous ?
Je n’ai malheureusement aucune séquence avec Josiane. Mais je l’ai rencontrée sur le tournage et c’est une femme que j’admire énormément pour sa personnalité, sa culture, sa générosité. Quant à Hélène, j’ai été étonnée de voir qu’elle n’a plus rien à prouver, elle laisse donc passer son personnage en elle, comme une matière conductrice sans aucun parasite. C’est une sobriété à laquelle j’aspire.
Aimeriez-vous être encore actrice à son âge, 81 ans ?
Je l’espère!