« Money Shot : The Pornhub Story » : pour ou contre Pornhub ?

Ce fascinant documentaire Netflix, réalisé par Suzanne Hillinger, propose de lever le voile sur la formidable révolution de l’industrie de la pornographie opérée par le site montréalais Pornhub.
« Quel a été votre premier film porno ? » C’est avec cette question apparemment banale, dont les réponses sont captivantes, que la réalisatrice Suzanne Hillinger commence sa critique de Pornhub, le site porno le plus connu du web.
Le réalisateur remonte alors ce véritable fil d’Ariane, en commençant par la pornographie « classique », avant Internet. Ensuite, les prémices (dont le bruit sourd du modem), les premiers contenus pornographiques (vous rirez des sortes de dessins ASCII) et les premières vidéos permettent de prendre la mesure du nouveau modèle économique de l’industrie pornographique, un marché estimé en 2022 à 97 milliards de dollars US.
Suzanne Hillinger s’assure d’interviewer des travailleuses du sexe (oui, il y a des hommes), des spécialistes ainsi que d’anciens employés de Pornhub. Car le site fonctionne – hormis sa partie payante – sur le modèle Facebook avec fichiers cookies et suivi du parcours des internautes ! Les chiffres donnent le tour. Des milliards de clics par jour, des revenus publicitaires astronomiques et des créateurs de contenu qui gagnent des sommes bien supérieures à celles offertes par l’industrie du cinéma XXX aujourd’hui presque disparue.
C’est là que Suzanne Hillinger, aidée de sa femme, la monteuse Alexis Johnson (elle travaille souvent avec l’excellent documentariste Alex Gibney – dont la société produit ce long métrage -, à qui l’on doit entre autres « Going Clear – Scientology and the Prison of Belief »), trouve l’ancrage et l’articulation de « Money Shot : The Pornhub Story ». Car ce sont les travailleuses du sexe qui ont le plus profité de la manne de Pornhub, s’affranchissant de la tyrannie des studios et exerçant ainsi leur métier en toute sécurité.
Mais avec des contenus illégaux – qui sont des actes criminels ; rappelons que sans consentement, la pornographie n’existe pas, c’est du viol -, la législation a changé, les travailleuses du sexe ne peuvent plus vendre leur contenu sur Pornhub, les militants et associations de défense des victimes du sexe et de la traite des êtres humains ont réclamé – et presque obtenu – le arrêt complet de Pornhub… sans réaliser ce que cela signifiait pour les créateurs de contenu qui en vivaient.
La question est donc lancée : pour ou contre Pornhub ? Et parce que le débat ne se limite pas à cette question réductrice – tant de questions se posent sur la liberté d’expression par ce trop court « Money Shot : The Pornhub Story » de 93 minutes – on ne peut que souhaiter que Netflix poursuive ce travail documentaire de qualité.
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