Actualités françaises

Pour le maintien de la philosophie du collège


Nous réclamons à maintes reprises l’abolition des cours de philosophie au collégial. La demande est trop constante pour être rejetée d’emblée et ce souhait exprime, sinon un problème, du moins un malaise face à cette discipline.

On soutient généralement que la philosophie est dépassée. Les étudiants veulent des connaissances sur l’immédiateté de leur expérience concrète. Les « classiques », par nature « incontournables », formeraient un groupe dépassé, voire raciste.

Voyons les choses ainsi : pour faire de la recherche en physique, il faut avoir les principes de base de la mécanique newtonienne, de l’algèbre linéaire ; équations différentielles, électromagnétisme, thermodynamique. Ceci fait, nous pouvons nous lancer dans la physique quantique et participer, humblement, à la construction d’un édifice de connaissances que nous appelons la science. Cependant, personne ne propose d’abolir les mathématiques car elles sont répugnantes et semblent éloignées de nos intérêts pratiques.

Culture

La science n’est cependant pas le seul « édifice du savoir ». Il y en a une autre, parfois plus proche de nous et de nos préoccupations, qui s’appelle la culture. Il est composé de littérature, d’œuvres d’art, d’architecture et d’urbanisme, d’histoire nationale et universelle, de religions, etc.

Je vous invite à penser la culture comme une langue. Pour parler une langue, il faut maîtriser la grammaire, le vocabulaire et la syntaxe, la prononciation, la compréhension orale et écrite, et enfin la pratiquer régulièrement. Il en est de même avec la culture.

Or, l’idée d’un tronc commun au cégep est justement de donner à chaque étudiant les bases de cette grammaire de l’intelligence par laquelle la culture devient intelligible. D’où l’enseignement de la Littérature (et pas simplement du français) et celui de la Philosophie.

liberté de savoir

Qu’on le veuille ou non, nous sommes les héritiers d’une culture plurimillénaire qui puise ses racines dans l’Antiquité et qui s’est développée, par un cheminement compliqué, du christianisme au monde médiéval, de la Renaissance aux Lumières, etc. , jusqu’à aujourd’hui. De vastes pans de la littérature, des œuvres d’art, de l’architecture, etc. restent à jamais incompréhensibles sans la connaissance des idées qui les ont fait naître, qui les portent et contre lesquelles, souvent, ces œuvres de l’esprit se sont rebellées. Bref, de la même manière qu’on ne peut parler ou comprendre une langue, ou une science, sans en posséder les notions essentielles, de la même manière on ne peut véritablement saisir le sens profond de la culture à laquelle nous participons sans recourir aux « classiques ». », qui n’ont pas seulement la vertu de nous apprendre des choses sur le monde ; elles ont surtout l’avantage de nous donner une syntaxe pour que nous puissions, avec cet héritage, dire et exprimer, à notre manière, le monde tel que nous le voyons et le ressentons. Et ce langage, qu’est la culture, sert au fond la même finalité de toute communication : informer, échanger, partager, instruire, étonner, faire rire et pleurer. En quelques mots, il sert à être humain et, par là même, à être libre.

Faut-il désormais actualiser les programmes, proposer davantage de pauses pédagogiques pour permettre aux enseignants de développer leurs travaux (beaucoup sont actifs dans la recherche et la création), revoir les modalités d’évaluation, la dispense des cours ? Ce sont des propositions à examiner au coup par coup, mais dont la valeur me paraît supérieure à l’abolition de la philosophie au collégial, solution simpliste. Rappelons-nous toujours que la facilité est souvent l’indice de l’insignifiance.


Flou et mise au point sélective de l'étudiant universitaire utilisant un ordinateur étudiant dans la salle informatique. Groupe d'étudiants qui étudient dans la salle informatique. Étudiants sérieux travaillant sur ordinateur à l'université.

Photo fournie par Charles Le Blanc

Charles Le Blanc, Professeur titulaire, Département de français/Département de philosophie, Université d’Ottawa



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