Qu’est-ce que le « bank run », cette menace qui effraie les banques ?

Dans le cas de Silicon Valley Bank, de nombreuses start-up ont commencé à retirer leurs dépôts sur les conseils d’investisseurs. NOAH BERGER / AFP
SE CONCENTRER- La panique bancaire subie par la Silicon Valley Bank montre que ce phénomène prend une toute autre dimension avec les nouvelles technologies.
Après la chute de Silicon Valley Bank, les craintes entourant la solidité du système bancaire se sont multipliées ces derniers jours. Et avec le fameux risque de «ruée vers la banque« . Ce terme, traduit en bon français par «panique bancaire», consiste à qualifier la panique des clients – ménages comme entreprises – qui retirent subitement leur argent de leurs comptes. Seul problème, et non des moindres, malgré les sommes d’argent phénoménales qu’elles gèrent, les banques ne peuvent assurer le déblocage simultané de tous les dépôts de leurs clients car elles ne disposent pas des liquidités nécessaires.
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«Les agents pensent que leur banque est en danger et ils ont peur de perdre leurs économies. C’est une crise de confiance», explique Christian de Boissieu, président du cercle des économistes. Par effet boule de neige, cette situation peut conduire à l’insolvabilité et même à la faillite.
Dans le cas de Silicon Valley Bank, c’est la hausse des taux d’intérêt qui a déclenché l’incendie. En raison des revirements des banques centrales, les nombreuses obligations d’État américaines détenues par l’establishment bancaire ont vu leur valeur chuter. Face à un risque de fragilité, et sur les conseils d’investisseurs avertis, de nombreuses start-up clientes de l’établissement ont commencé à retirer leurs dépôts. «SVB était dans un cercle vicieux, la banque devait liquider une partie de son portefeuille pour faire face aux dépôts», précise l’économiste et professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Mais ceci à un montant inférieur au prix d’achat initial. L’établissement subit alors des pertes importantes et les clients continuent de retirer leur argent. SVB a «ne pouvait donc pas faire face au retrait des dépôts», souligne-t-il.
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D’une certaine manière, la panique bancaire s’apparente à une prophétie auto-réalisatrice. «Le fait d’anticiper la crise d’une banque, provoque la crise de cette banque par les prélèvements», décrit Christian de Boissieu. A plus grande échelle, avec le risque de contagion, «nous pouvons avoir une crise systémique», surtout si la banque est dite «trop gros pour échouer c’est-à-dire trop gros pour échouer. Dans le cas du Crédit Suisse, qui a subi mercredi une forte baisse en Bourse, il «est trop important pour vivre un véritable échecconfie le professeur.
Les nouvelles technologies augmentent les risques
«Le phénomène du bank run est aussi vieux que le mondes’écrie Christian de Boissieu. De nombreux épisodes se sont déroulés au cours de l’histoire : en 1907, lors de la «les banquiers paniquentaux États-Unis ou en 1998 lors de la crise économique en Argentine. En 2008, le prêteur hypothécaire britannique Northern Rock a également connu une brève panique bancaire, qui s’est terminée par une injection de liquidités et une garantie de la Banque d’Angleterre.
Sauf qu’aujourd’hui, les déposants ne font plus la queue devant les distributeurs pour récupérer leur argent. «Avec internet, en un clic les clients peuvent venir retirer leur épargne en banque ou la changerexplique Christian de Boissieu. Un constat partagé par l’économiste Joseph Stiglitz : «Il est beaucoup plus facile de retirer tout votre argent et de le mettre ailleurs« . Le prix Nobel estime même que «les nouvelles technologies favorisent les paniques bancaireset pense que «la stabilité du système financier doit être repenséeà la lumière de ces changements.
Pour un «ruée vers la banque», «il en faut peu, une simple déclaration maladroite peut suffire…souligne Christian de Boissieu. «Il peut y avoir un phénomène de « bank run » dès qu’il y a crise de confiance. Mais ça n’ira pas très loin», rassure toutefois l’économiste.
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Un risque pour l’Europe ?
En termes de normes, le Vieux Continent applique les règles de Bâle III pour sécuriser et superviser le système bancaire face à de tels risques. L’accord international conclu en 2010 oblige les banques à respecter des ratios de liquidité. Contrairement aux États-Unis, ce règlement européen s’applique à toutes les banques, «quelle que soit leur taille», précise le président du cercle des économistes. De quoi supprimer plus de dangers possibles.
Par ailleurs, comme aux États-Unis, un deuxième instrument existe : le système de garantie des dépôts. En cas de défaillance d’une banque, un client est couvert jusqu’à 100 000 euros (contre 250 000 euros outre-Atlantique). Dans le cas de SVB, «les autorités ont dit ne pas tenir compte du plafond, ce qui a calmé le jeu», précise Christian de Boissieu, avant de conclure : «En cas de crise de confiance vis-à-vis d’une banque, ils ont de quoi y faire face« . De quoi rassurer les déposants.
lefigaro -Économie et commerce